Humour et sexisme : L'impact caché des blagues sexistes au travail
Humour et sexisme : L'impact caché des blagues sexistes au travail
" Arrête de faire ta blonde! ", "Tu peux aller nous chercher un café ? Nous les hommes on ne sait pas faire 2 choses à la fois ?". Voici quelques exemple des blagues, que l'on peut qualifier de sexiste. Il s'agit en effet de propos qui ont pour objectif de faire rire ou sourire mais qui reposent sur des stéréotypes de genre et ont pour conséquence de rabaisser, dénigrer ou diffamer la cible visée par la blague .
L'humour est un outil puissant, capable de créer de la connivence entre les personnes. Mais mal utilisé, il peut propager des propos dégradants, offensant, et même interdits par le code du travail.
Dans cet article, analysons ce qui se cache derrière ces "blagues" et pourquoi il est important de prendre conscience de l'impact de nos mots :
- Tout d’abord, nous verrons en quoi l’humour sexiste repose sur des stéréotypes de genre et comment il contribue à les renforcer, et à entretenir les inégalités
- Ensuite, nous expliquerons pourquoi ces "blagues" dites anodines peuvent légitimer des comportements plus violents.
- Enfin, nous proposerons des pistes pour réagir face à l’humour sexiste.
Les blagues sexistes reposent sur des stéréotypes de genre qui attribuent des rôles distincts entre les femmes et les hommes. Par exemple, on a l'habitude d'entendre que les femmes sont douces, émotives, sensibles alors que les hommes sont forts et savent contrôler leurs émotions. Dans le milieu professionnel, cela peut se traduire par des "blagues" sexistes telles que : « On a besoin d'un homme pour tenir l'équipe, ca fera moins de dramas. »
Pour aller plus loin, il est essentiel d’analyser les fondements des stéréotypes qui alimentent ces blagues et influencent la perception des genres dans la société.
Les stéréotypes de genre s’inscrivent dans un mécanisme en plusieurs étapes qui s’auto-alimentent et aboutit à des discriminations et à des inégalités sur le long terme. Ce processus repose sur la manière dont notre cerveau traite les informations, influençant ainsi nos perceptions et nos comportements sociaux.
💡 1. La catégorisation
Tout commence par un phénomène naturel : la catégorisation. Notre cerveau trie et organise les informations en regroupant les individus, les situations et les objets en différentes catégories, par exemple les femmes vs les homme, les grands vs les petit, les jeunes vs les personnes âgées. Ce processus permet de simplifier la réalité, ce qui est utile, mais il conduit aussi à des généralisations qui figent les individus dans des cases et des rôles rigides.
💭 2. Les stéréotypes
De cette catégorisation naissent les stéréotypes, c'est-à-dire des caractéristiques simplifiées attribuées à une catégorie donnée :
- Les femmes sont perçues comme douces, émotives et tournées vers le soin des autres.
- Les hommes sont considérés comme rationnels, compétitifs et ils aiment diriger.
⚖️ 3. Les préjugés
Les stéréotypes évoluent en préjugés lorsque l'on coemence à hiérarchiser les catégories entre elles et émettre un jugement de valeur . Exemple : "À l’arrivée d’un enfant, les femmes seront moins disponibles et ne pourront plus s’investir autant dans leur carrière ", sous-entendu : pas autant que les hommes.
🚧 4. Les discriminations
Ces préjugés peuvent ensuite mener à des discriminations. "À l’arrivée d’un enfant, les femmes seront moins disponibles et ne pourront plus s’investir autant dans leur carrière, comme ce poste demande beaucoup de déplacement et implique de grandes responsabilités, il ne sera pas donné à une femme en âge d’avoir un enfant / une jeune mère "
Cette décision repose sur une supposition et non sur une évaluation des compétences, ce qui constitue une discrimination.
🔄 Le cercle vicieux
Ces discriminations renforcent des comportements genrés, ce qui pérennise les inégalités de départ.
Lorsqu’une femme voit ses perspectives de carrière limitées, elle peut intérioriser ces attentes et finir par s’y conformer malgré elle.
Ce phénomène est appelé prophétie auto-réalisatrice et mène au fameux plafond de verre : un ensemble d’obstacles invisibles qui empêchent les femmes de progresser professionnellement.
On comprend alors que l’humour sexiste peut avoir des conséquences bien plus profondes et durables qu’il n’y paraît.Ce qui semble anodin peut, au fil du temps, renforcer des comportements discriminatoires et ouvrir la porte à des injustices bien plus graves.

Un environnement où les blagues sexistes sont tolérées crée un terreau propice aux discriminations et aux violences sexuelles, c'est ce que nous allons étudier via la pyramide des violences sexistes et sexuelles ci-dessous :

- Tout commence généralement par des agissements sexistes avec des blagues comme "Ca va les filles, on a bien piaillé ? " ou “Laisse tomber, elle a ses règles !” , des surnoms familiers (comme "ma belle", "les miss") ou encore l’attribution de tâches genrées, comme demander systématiquement à une femme d’accueillir les visiteurs. Ces remarques banalisent une vision inégalitaire des rôles au travail.
- Lorsque ces comportements se dotent d'une connotation sexuelle, on entre dans le domaine de l’outrage sexiste. Par exemple, faire des allusions sexuelles en réunion, raconter ses exploits intimes devant des collègues ou faire des remarques à sous-entendu sexuels à une femme comme " vous avez de la chance, Sarah est avec nous aujourd'hui, c'est l'atout charme de notre entreprise"
- Vient ensuite la discrimination sexiste, qui a un impact direct sur la carrière. Ne pas promouvoir une femme parce qu’elle risque de ne pas savoir cadrer une équipe masculine ou écarter une salariée des projets exigeants parce qu’elle a des enfants et qu’elle sera sûrement souvent absente, en sont des exemples.
- Le harcèlement sexuel se manifeste par des comportements à caractère sexuel répétés : de nombreuses blagues déplacées, des discussions à connotation sexuelle imposées ou encore des pressions implicites dont le but réel est d’obtenir un acte de nature sexuel. A noter qu'un fait consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle est qualifiée d'harcèlement sexuel. ("Tu veux vraiment un CDI ? On pourrait en discuter autour d’un dîner…")
- L'agression sexuelle englobe tout acte à caractère sexuel imposé à une personne sans son consentement, sans qu'il y ait de pénétration. Cela inclut les attouchements imposés et les gestes déplacés.
- Le viol, quant à lui, est une forme aggravée d'agression sexuelle qui implique une pénétration non consentie.
Un exemple typique du continuum des violences sexistes pourrait commencer par une remarque sexiste anodine en apparence : lors d’une réunion, un collègue lance à l’assemblée, "Attention, elle est ambitieuse, elle va tous nous écraser avec ses talons !". Personne ne réagit, laissant l’agissement passer sous silence. Quelques jours plus tard, il franchit un cap avec un outrage sexiste : alors que cette même collègue traverse l’open space, il s’exclame, "Waouh, avec cette robe, tu vas faire chuter la productivité des gars aujourd’hui !". L’absence de réaction encourage une nouvelle escalade, menant au harcèlement sexuel : il finit par lui envoyer un mail explicite, "Trop canon aujourd’hui… On pourrait fêter ta présentation en tête-à-tête ? Je suis sûr que tu caches un côté sauvage 😈."
Chaque étape de ce continuum contribue à légitimer la suivante. Il est donc essentiel de ne pas banaliser ces comportements, même sous couvert d’humour, pour garantir un environnement de travail respectueux et sécurisé pour tous.
Savoir comment réagir permet de déconstruire le cercle vicieux des stéréotypes et de poser de nouvelles limites claires, que l’on soit victime, témoin ou auteur de ces remarques. Mais il est toutefois important de reconnaitre qu’il est souvent difficile d’y réagir sur le moment. En grande majorité, les victimes de violences sexistes et sexuelles au travail se trouvent en état de sidération.
- Sur le moment, 75% ont éprouvé un sentiment de peur.
- En cause : la peur des conséquences (40%) et celle de ne pas être écoutées (30%).
- 69% ont eu des difficultés à réagir ou à s’exprimer.
Alors, comment répondre efficacement face à une blague sexiste, que l’on soit victime, auteur ou témoin ?
- Exprimer son ressenti
Plutôt que de laisser passer, il est essentiel de poser des mots sur son malaise. Dire « Je suis gêné·e », « Ce que tu viens de dire me choque » permet de légitimer son ressenti et de favoriser une prise de conscience chez l’interlocuteur.
- Questionner la personne
Poser des questions comme « Peux-tu expliquer ce que tu veux dire ? » ou « C’est-à-dire ? » pousse l’auteur de la blague à prendre du recul sur ses paroles et à réaliser leur portée sexiste.
- Nommer les faits
S’appuyer sur des références juridiques ou sociales pour qualifier la blague aide à rendre visible l’injustice sous-jacente. Par exemple, rappeler que les propos sexistes sont considérés comme des atteintes à la dignité dans le cadre du travail peut faire réfléchir.
- Recadrer avec fermeté
Il est possible de répondre de manière assertive : « Ce genre de blague n’a pas sa place ici » ou « On peut plaisanter sans rabaisser les autres » permettent de poser une limite claire sans forcément entrer en confrontation.
- Signaler les faits
Dans un cadre professionnel, il est recommandé de noter l’incident, avec la date et l’heure, et de le signaler aux ressources humaines si nécessaire.

Si l’on prend conscience d’avoir fait une blague sexiste, il est important de reconnaître son erreur et de s’excuser sincèrement. Dire simplement : « Je me rends compte que cela pouvait être mal pris, je suis désolé·e » montre une volonté de progresser et d’adopter une communication plus respectueuse. Et cela soulagera la victime de la peine qui lui a été causé.
L’humour sexiste n’est pas une opinion, mais un mécanisme qui perpétue des stéréotypes et des inégalités. Or si vous souhaitez garantir un environment de travail sain à vos collaborateurs pour qu’ils puissent travailler au maximum de leur performance, il est crucial de déclencher chez eux une prise de conscience sur ses thématiques pour pouvoir déconstruire ses mécanismes et promouvoir un avenir plus juste.
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